Fondation Komatis: Mathis devient Komatis : un moderne constructeur

vendredi 21 novembre 2014

Mathis devient Komatis : un moderne constructeur - 1951 à 1965

Henri Mathis devient Henri Komatis. Abstrait, bien ancré dans l'époque, il expose un vocabulaire de formes qui s'exprime autant dans ses œuvres que dans des collaborations avec les architectes modernes de Toulon, côtoyant Alfred Henri, Mattio, Charles Pascal...

Maquette pour "La Cacoye", maison individuelle réalisée à Ollioules.

Recensement des œuvres connues de la période

- "Bardamu", huile sur toile, 104x62, 1960-1965 (inv. 16).
- "Judas", huile sur toile, 90x118, 1960-1965 (inv. 17).
- "Sans titre", quarre personnages debout, période Gauguin, 130x88, 1965,(inv. 18).
- "La solitude", huile sur toile, 73x119, (inv. 19).

- "Femme", sculpture, 1960-1965 (inv. 20).
- "Homme", sculpture, 1960-1965 (inv. 21).
- "Le Christ", sculpture, 1960-1965 (inv. 22).
- "La Cacoye", maquette, maison individuelle, (inv. 23).
- "La femme à l'oursin", huile sur toile, années 60, (inv.63)

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Les écrits, dessins, projets et maquettes

L’œuvre écrite d'Henri Komatis est particulièrement fournie et indissociable du reste de ses travaux. Elle a été très peu connue à ce jour.
Quelques textes fondateurs de l’œuvre, qui s'appliquent parfois à Châteauvallon, dont "Construire" semble être le plus important, côtoient un ensemble de livres calligraphiés de sa main sur des sujets que l'observateur reliera à son esthétique, consacrés à une réflexion sur :
- l'unicité,
- les civilisations,
- la science,
- les religions...

Architecte de formation - la discipline s'enseignait alors aux Beaux Arts de Marseille, l'ampleur de conscience de l'artiste se lit dans ses "Propos sur l'art", d'une forme poétique, qui peuvent être considérés comme inséparables d'environ 400 pages où sont posés les principes et l'organisation concrètee d'une école d'art.

Une ensemble de textes et de dessins, qui se prolonge dans certaines maquettes, est consacré au "grand-œuvre" : Châteauvallon, qu'il nomme "Université transdisciplinaire".
Stade, espaces de cours, d'habitat et de travail, d'exposition se répartissent selon un ensemble de choix philosophiques et symboliques.

Le sens de l'architecture, la fonction de chacune des pierres, la symbolique des statues, l'articulation de ces signes avec le sens même du paysages y sont posés.

Il est dommage de visiter le lieu et ces vallées miraculeusement protégées sans avoir à l'esprit la profondeur de cette lecture.

Enfin, sont conservés projets de décors, de costumes, objets, sculptures, architectures.

fondation.komatis@orange.fr

A la mémoire de Simone et Henri Komatis

Pour Simone Komatis

Nous reprenons ici le texte écrit par Jean Claude Grosse à la disparition de Simone Komatis.

Tu es partie ce dimanche 6 septembre 2009 après quelques mois de traitements lourds. C’est au cerveau que la maladie t’a attaquée. Et pourtant si quelque organe fonctionnait bien chez toi, c’était ce cerveau dont tu te servais pour accueillir. Car c’est ainsi que je t’ai connue, que nos deux familles se sont connues, dans l’accueil et le partage, le passage du témoin, la transmission du legs, nos enfants respectifs s’étant lancés, joyeusement, douloureusement sur les difficiles chemins de l’art, de l’expression singulière d’univers partageables.
Tu étais ouverte aux gens : il ne me semble pas t’avoir vu faire preuve de rejet, faire barrage à des looks, des styles, des manières d’être, de vivre, de s’exprimer. Tu avais en toi une grande indulgence, une forme active de sagesse. Rien n’avait fini par te surprendre : ce qui arrivait, était donc possible.
Tu étais ouverte aux idées : le débat ne te faisait pas peur, tu fuyais seulement la polémique stérile, l’agressivité gratuite ou méchante. Tu étais d’une curiosité rare ; on te voyait partout où la pensée s’essaye, sans préjugés, sans adhésion irréfléchie, sans snobisme.
Tu étais dans une démarche du cœur et de l’esprit faite de questionnements, ne tranchant pas dans les débats sans issue sur ce qu’il y a après la mort, sur le sens de la vie, le devenir de l’humanité, de la planète. Tu n’avais pas de certitudes, de croyances, quelques convictions, des intuitions aussi. Ces dernières années, nous nous étions trouvé deux compagnons de pensée : Marcel Conche, le philosophe, Edgard Gunzig, le cosmologiste. Je souhaite à beaucoup de penser à ces altitudes.
Tu étais d’une grande sensibilité, capable de mettre des mots sur tes émotions, sachant faire retour aux artistes toujours inquiets sur leur travail, forme et fond, en attente d’un retour juste, précis et ça, tu savais le faire mieux que personne ; tu voyais les forces, les insuffisances, les excès, les manques, les incohérences, l’originalité, la sincérité, les complaisances, les influences, les insolences ; tu savais ne pas blesser l’artiste, le confirmer dans son univers de créateur.
Tu avais un sens profond du théâtre, de la danse, de la musique, du cinéma, des arts plastiques. Quelle arthotèque, bibliothèque, cinémathèque, théâtrothèque et autres lieux de mémoire tu étais devenue, de l’antiquité à aujourd’hui. Tu étais devenue toi, riche de ramifications dans l’espace, dans le temps, vivants et morts s’interpellant, dialoguant, Euripide et Saint-John Perse, Mizoguchi et Tarkovski, Balthus et De Vinci. Tu étais devenue toi et toile et pourtant, jamais tu ne fus adepte d’internet. C’est peut-être cela qu’on peut attendre du frottement sincère avec les artistes : se trouver, se ramifier, s’universaliser en toute humilité, avec patience et long, douloureux travail sur soi.
Sur le tard, sur la fin, je t’ai vu redécouvrir la matière, la main, te retrouvant comme au temps des Beaux-Arts de ta jeunesse, créant des objets, des bijoux, des pièces uniques sans destinataire, sans client car tu n’étais pas de ceux qui comptent leur temps, leur argent : tu t’es donnée sans compter pour Châteauvallon et l’accueil des artistes qui gardaient de toi l’image d’une femme généreuse et savaient t’exprimer leur gratitude, tu créais seulement pour le plaisir du toucher et du faire.
Tu n’as pu réaliser un de tes désirs : faire vivre la mémoire et l’œuvre d’Henri Komatis, toi qui as été l’une des mémoires de Châteauvallon.
Je souhaite que ce souhait fortement formulé maintes fois trouve le chemin d’un cœur, suscite enthousiasme et volonté chez un décideur. Châteauvallon est une œuvre de l’esprit et du coeur, le lieu est habité, des âmes y ont tracé leurs chemins. Celle de Simone trace les siens. Elle fera signe à qui sera disponible pour l’accueillir.

Jean-Claude Grosse

Une utopie moderne ancrée dans le temps long méditerranéen

L’œuvre d'Henri Komatis est étrangement méconnue.
Discret et modeste autant que rêveur en grandeur nature, sa personnalité n'est pas étrange à ce silence.
Son "grand œuvre", les vallées de Châteauvallon, cache tout le reste pourtant ample et fourmillant ; peinture, sculpture, architecture, écrits... - je reprends ici l'expression de Valérie Fauré dans son Doctorat en Histoire de l'Art, "Le Centre culturel de Châteauvallon 1965-1955 : une institution atypique" (sous la direction de Gérard Monnier, Paris I Panthéon Sorbonne, 1997), dont une très aboutie annexe est consacrée à Henri Komatis. Nous nous appuyons, pour présenter ici l’œuvre d'Henri Komatis, sur l'approche de son œuvre telle que développée dans sa thèse.
Son œuvre commencée en 1943 par la transcendance deux yeux d'une "Pietà" s'achève à sa mort en 1986 avec des oiseaux dont le regard ouvre au mystère : la filiation, l’enracinement et la continuité sont évidentes.
Peu se souviennent du jeune artiste moderne et à la mode des années 40/60, ami de Herbin dont il prolonge les pas, qui reçoit chez lui au Mourillon les artistes de l'époque, Mick Michel par exemple !, expose à Paris, travaille et rêve de cinéma avec les grands architectes modernes (Alfred Henry, Mattio père et fils, Pascal, parmi les premiers) qui reconstruisent Toulon, participe au fourmillement des trente glorieuses.
Il y apporte une profondeur méditerranéenne comme en écho à l'amusante remarque de la presse de l'époque, qui le décrit comme "un chef berbère"!
Moderne dans l'âme, de l'abstraction à un goût de la narration mystique pleine des personnages singuliers d'une imagerie éloquente, il fonde son œuvre et sa réflexion sur le temps long méditerranéen. Que Fernand Braudel soit venu délivrer son message final dans le théâtre qu'il a dessiné n'est pas un hasard.
Il s'inscrit dans un travail sur soi et une projection universelle liées aux mythologies méditerranéennes, qui au delà des œuvres se développe dans un large ensemble de textes. Ces écrits posent notamment une théorie de l'art, le corpus de la fondation d'une École d'art : fond, forme, éthique, symbole, métier, quête. Ces écrits restent inconnus et c'est l'un de nos objectifs que de les conserver et faire connaître.
Artiste possédant une formation d'architecte, Henri Komatis, nous semble-t-il, doit d'abord être approché par son œuvre plastique et les écrits qui y sont associés.
Ce n'est pas Châteauvallon qui permet de lire son œuvre, car le grand-œuvre peut aveugler sur l’œuvre elle même.
Nous entamons ici en espérant le partager aussi largement que possible le travail d'un catalogue raisonné aussi complet que possible, dont les réalisations et projets des Vallées de Châteauvallon sont un aspect dont la connaissance est aujourd'hui confrontée au danger de l'oubli et de la destruction.
Ne cherchant pas la reconnaissance, Henri Komatis a laissé disparaître et/ou détruire beaucoup de ses travaux. Il rêvait de la façon dont la nature prendrait possession des Vallées de Châteauvallon, ajoutant à son travail une nouvelle dimension. N'a cherché aucune hagiographie.
Nombre de fresques et de sculptures réalisées pour de grands immeubles ont disparu, nombre d’œuvres ont été détruites et perdues. Nous aimerions en retrouver au moins le sens de l'histoire, grande et/ou anecdotique.
En attendant, la promenade au milieu du grand-œuvre des Vallées de Châteauvallon reste la plus belle et la plus rare des approches de ce qu'il laisse à condition d'en conserver la connaissance; chaque arbre, chaque pierre en a reçu un sens. Henri Komatis y a laissé, à chaque pas, un symbole que porte la nature et les gestes qu'il y a inscrits. Aucun rapport avec le Land-Art - lorsque l'on cherche un phénomène comparable ne vient à l'esprit que le volcan de James Turrell : "Le grand œuvre de Turrell, dont l'intérêt se porte autant à l'art qu'aux mathématiques et à l'astronomie, reste l'aménagement pharaonique du Roden Crater dans sa thébaïde du désert de l'Arizona. Un cratère de volcan éteint, découvert en 1974 en survolant la région à bord de son avion. Il y a depuis ouvert un observatoire, vaste work in progress, site d'exception d'où il est possible de percevoir des phénomènes célestes depuis des points prévus à cet effet..." - extrait du texte écrit par Stéphane Renault pour le Grand Palais.

Si rare que soit une oeuvre qui s'étend à plusieurs spectaculaires vallées vierges à protéger au coeur d'une agglomération bouillonnante, alors même que les artefacts du regard de Komatis s'y croisent avec un oppidum celto-ligure et des ruines agricoles qui avaient séduit un autre artiste qui a dessiné un projet pour cette vallée : Gilles Clément rêvant alors en symbiose avec Komatis, il est fondamental de regarder Komatis au plus près des racines de son travail. Au delà de ce grand œuvre aussi monumental que la nature.
Nous espérons partager largement ce plaisir; les travaux des proches d'Henri Komatis font partie de cette re-lecture. Les dessins de sa femme, Simone Komatis, participent de cet univers, comme les luminaires de son fils Ivan et le jeu de sa fille comédienne et écrivain Jeanne Mathis. Nous documenterons ici ces travaux et espérons qu'ils retireront énergie et bonheur de nos projets.

fondation.komatis@orange.fr

Le grand œuvre de Turrell, dont l’intérêt se porte autant à l’art qu’aux mathématiques et à l’astronomie, reste l’aménagement pharaonique du Roden Crater dans sa thébaïde du désert de l’Arizona. Un cratère de volcan éteint, découvert en 1974 en survolant la région à bord de son avion. Il y a depuis ouvert un observatoire, vaste "work in progress", site d'exception d’où il est possible de percevoir des phénomènes célestes depuis des points prévus à cet effet. La lumière, toujours. Étroitement liée à la fascination de l’espace. - See more at: http://www.grandpalais.fr/fr/article/james-turrell-dans-loeil-du-volcan#sthash.W0BInAVK.dpuf